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"SANS LA LIBERTE DE BLÂMER, IL N'EST POINT D'ELOGE FLATTEUR" (Beaumarchais)
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8 septembre 2010

DE LA LEGALITE ET DE L’OPPORTUNITE DE LA CANDIDATURE DU PRESIDENT WADE EN 2012

(in www.dakar-info.com du 30 août 2010; www.sudonline.sn du 1er septembre 2010)

Le Président Wade a été élu en mars 2000 sur la base de la Constitution du 7 mars 1963 (plusieurs fois modifiée) qui stipule en son article 22 : « La durée du mandat présidentiel est de sept ans. »

Ce mandat a été ramené à cinq (5) ans par la Loi n° 2001-03 du 22 janvier 2001 portant Constitution de la République du Sénégal telle qu’issue du référendum constitutionnel du 7 janvier 2001. En son article 27, ladite loi pose : « La durée du mandat du président de la République est de cinq ans. Le mandat est renouvelable une seule fois. » C’est la lettre.

Dans le débat en cours sur la recevabilité ou non d’une troisième candidature du Président Wade en 2012, diverses interprétations –politiques- sont faites sur le rapport – de continuité ou de rupture – entre les deux textes.  Dans son esprit et dans sa lettre, la Constitution actuelle permet-elle à l’actuel Président de la République d’être à nouveau candidat en 2012, après deux mandats (2000-2007 et 2007-2012) ?

1.      DE LA LEGALITE D’UNE CANDIDATURE

En Droit, il est dit que « l’office de la loi est de régler l’avenir ; le passé n’est plus en son pouvoir. » Autrement dit, par principe, il est de la sécurité juridique des citoyens qu’un acte présent ne puisse pas rétro-produire ses effets sur une situation passée. En vertu de ce principe de non rétroactivité, les nouvelles dispositions constitutionnelles intervenues en 2001 pour régir l’actuel mandat du Président de la République sont à interpréter dans le sens de l’avenir. Elles ne peuvent avoir force de loi rétroactivement et par conséquent ne sont opposables au Président de la République qu’à l’expiration d’un septennat acquis sous l’ancien régime constitutionnel. Sous cet angle, durant la période allant de 2000 à 2007, le Président de la République n’a fait qu’exercer un mandat à « valeur transitoire » entre la fin de l’ordre constitutionnel ancien (septennat) et le début de l’ordre constitutionnel nouveau (quinquennat). A partir de 2007, il y a une remise à plat, et de la durée et du nombre de mandats présidentiels. Et c’est là l’esprit de la nouvelle Constitution que les Sénégalais ont entériné par environ 94% de votes positifs au référendum de janvier 2001. L’échéance de 2007 constituait pour ainsi dire l’an zéro de la limitation de la rééligibilité à la Présidence de la République. A cet égard, l’actuel Président peut être considéré comme ayant été élu pour la « première fois » en 2007. Ce qui voudrait dire qu’il a encore un crédit d’un mandat de 5 ans que la constitution de 2001 lui autorise à « consommer » à partir de 2012.

Si l’on s’inscrit dans la perspective de ceux qui veulent faire l’impasse sur ce principe de non rétroactivité de la loi constitutionnelle de janvier 2001, le mandat initial de Wade de 7 ans aurait dû alors être interrompu en 2005 et des élections présidentielles auraient dû être organisées à cette date. Cela n’ayant pu être le cas, il serait plus logique, pour ceux qui pensent aujourd’hui que le Président violerait la Constitution en se présentant candidat en 2012, de soulever en même temps la question de la légalité, de la constitutionnalité de la portion du mandat exercé entre 2005 à 2007.

Il est sans doute difficile de s’en apercevoir, mais en vérité, les Sénégalais, par le référendum de 2001 ont offert au Président Wade un « mandat-cadeau » de 7 ans. Ils lui ont permis de bénéficier des effets de l’ancienne Constitution et de s’édicter l’avantage légal de jouir, à l’avenir, de la totalité des effets électoraux de la nouvelle Constitution (deux mandats au plus).

Par ailleurs, il apparaît une ambivalence notoire, pour un Président de la République, de maintenir son mandat sous un régime constitutionnel ancien et d’exercer son pouvoir sur la base d’une nouvelle Constitution dont la disposition relative au mandat n’est pourtant pas encore en vigueur. L’adoption en cours de mandat de nouvelles dispositions constitutionnelles affectant la durée du mandat présidentiel diffère l’entrée en vigueur de ces dispositions à l’expiration du mandat en cours ; dans le même temps, le reste des dispositions nouvellement adoptées peuvent immédiatement entrer en vigueur. Ainsi, de 2001 à 2007, les prérogatives du Président de la République sont régies et exécutées, non sur la base constitutionnelle du mandat initial de 7 ans, mais sur celle de la Constitution de 2001. Celle-ci a même élargi certaines de ces prérogatives avec effets immédiats. Sa promulgation, « huit jours après la proclamation des résultats du référendum par le Conseil Constitutionnel » (art. 108) a ainsi permis au Président de la République de dissoudre immédiatement l’ancienne Assemblée nationale et d’organiser de nouvelles élections législatives le 29 avril 2001(art. 87). De même, c’est sur la base de l’article 107 de cette Constitution que « toutes les dispositions relatives au Sénat et au Conseil économique et social » ont été « abrogées entraînant d'office la suppression de ces institutions », instituées sous l’ancien régime constitutionnel.

En clair, la loi constitutionnelle de 2001 est entrée en vigueur immédiatement après sa promulgation, à l’exception de son article 27 relatif au mandat du Président de la République.

L’argumentaire politique fourni à l’appui des actes de dissolution et de suppression aussitôt pris par le Président de la République mettait en avant la nécessité de faire coïncider rapidement la structure des institutions avec la vision politique du nouveau Chef de l’Etat. Seulement, il a été omis de rappeler aussi qu’au regard de cette même vision politique, le nouveau Chef de l’Etat aurait dû s’interdire d’exercer un mandat de 7 ans et, pourquoi pas, (on est en politique), de s’exiger la rétroactivité de la loi constitutionnelle de 2001.

Une des questions que posent les révisions constitutionnelles et à laquelle les constitutionnalistes devraient répondre est donc celle-ci : Lorsqu’une nouvelle constitution est adoptée, est-il logique qu’une partie de ses dispositions entrent en vigueur immédiatement alors qu’une autre partie, en l’occurrence le mandat du Président de la République, n’entre en vigueur qu’à l’expiration d’un mandat présidentiel en cours ?

Au demeurant, la ligne d’attaque juridique envisagée par une partie de l’opposition contre une troisième candidature de l’actuel Président de la République en 2012 paraît inappropriée. Au regard des dispositions de l’actuelle Constitution, ce dernier n’a pas encore épuisé ses possibilités légales de candidature à la présidence de la République. Il demeure bel et bien rééligible en 2012.

Tenant compte de ce que la raison juridique se trouve du côté de l’actuel Président de la République, il convient plutôt de poser le débat sur une troisième candidature de Wade en 2012 en termes d’opportunité. Surtout morale.

2.      DE L’OPPORTUNITE MORALE D’UNE CANDIDATURE

Primo, tout comme des scores de 70%, 80%, 95% et plus de votants acquis lors des scrutins présidentiels par des candidats sortants dans certains pays, trois (3) mandats présidentiels successifs sont une inélégance et une anomalie de la pratique démocratique au 21e siècle.

Secundo, que cherche encore un grand-père, voire un arrière grand-père de 86 ans (en 2012 ?) au Palais, à lire et à signer les textes, loupe à la main, alors qu’il aurait pu dire, depuis sa maison de retraite : « mission accomplie ! Fils et petits-fils, à vos armes » ?

La grandeur d’un homme ne découle pas de ce qu’il soit Individu suprême parmi des millions d’autres individus d’une nation ; elle ne découle pas non plus de la stricte conformité de ses actes à la loi objective et positive des hommes.

La grandeur d’un homme découle d’œuvres subjectives et imperceptibles que seul lui est en mesure de comprendre. C’est le type d’œuvres qui, même si elles font souffrir leur auteur, sont de nature à extasier les autres hommes.

Naturellement, le pouvoir « c’est doux », comme disent les Ivoiriens. Et celui qui s’en prive, naturellement, souffre de ne plus l’avoir. Mais il apparaît Grand aux yeux des Autres et les extasie, justement parce qu’en toute dignité et grandeur, il leur a permis de pouvoir espérer à nouveau en essayant un autre homme.

En 1999, le Président Nelson Mandela, élu une seule fois en 1994, était encore rééligible pour un second mandat de quatre (4) ans à la tête de l’Afrique du Sud. A la fin de son mandat, sa loi subjective personnelle, plus parfaite à ses yeux, c'est-à-dire sa conscience, a vaincu la loi objective et « imparfaite » des hommes qu’est la Constitution du pays. Résultat, Mandela refusa de briguer un second mandat. Le second mythe Mandela venait ainsi de naître.

En 2007, le Président français, Jacques Chirac, se trouvait dans le même cas de figure que le Président Wade aujourd’hui. Elu en 1995, il a fait adopter par référendum du 24 septembre 2000, une nouvelle Constitution qui ramena la durée du mandat présidentiel du septennat au quinquennat. Juridiquement, il restait rééligible en 2007 pour un deuxième et dernier mandat de 5 ans, après un septennat (1995-2002) et un premier quinquennat (2002-2007). Tenant compte du climat sociopolitique ambiant, l’homme comprit qu’un troisième mandat en serait de trop. Beaucoup de Français sont aujourd’hui nostalgiques de « l’humanisme » de ses années de pouvoir où la France avait, un tant soi peu, renoué avec ses grands principes gaullistes et retrouvé une relative grandeur sur la scène internationale (courage de s’opposer à l’Amérique sur la guerre du Président Bush contre l’Irak). 

De par ses velléités de candidature en 2012, le Président veut-il donner raison à ceux qui croient qu’il se rend compte qu’il avait commis l’erreur de réduire la durée du mandat présidentiel en 2001 ? Car, n’eût été cette réduction, le statu quo du septennat l’aurait conduit jusqu’en 2014.

Et pourtant, une chose devrait rassurer le Président.

Contrairement à « l’Autre », nous dirons que les hommes n’ont pas la mémoire courte. En l’espèce, les Sénégalais, quelle que soit l’étroitesse de leur espace mémoriel, ne peuvent oublier la part hautement salutaire que l’homme Wade a accomplie dans la marche politique de leur pays. Les uns seront admis à lui reprocher sa gestion du pouvoir, les autres à le regretter, cela s’appelle de la démocratie. Mais une constance demeurera : l’homme est désormais à lui seul, toute une histoire du Sénégal : 26 ans d’opposition démocratique, 12 ans au service suprême de la nation. Alors, que cherche t-il encore ? Léguer au Sénégal le record d’avoir eu le plus vieux Chef d’Etat de tous les temps, en Afrique et, sans doute, au monde ? Les générations du 22e siècle diront si elles auront été fières d’une telle mention dans leurs livres d’histoire.

Dans la mesure où il n’y pas encore de limitation constitutionnelle d’âge pour être candidat à l’élection présidentielle au Sénégal, il ne reste à ce jour, aux adversaires d’une candidature du Président Wade en 2012, qu’une seule voie de recours : la propre conscience de l’homme Wade. Toute autre voie d’action – juridique, politique, « mystique » etc… - serait anti-démocratique, et, de toutes les manières, vaine.

Dr. Alassane M. Ndiaye

Abidjan, Côte d’Ivoire

andiaye5@yahoo.fr

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