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"SANS LA LIBERTE DE BLÂMER, IL N'EST POINT D'ELOGE FLATTEUR" (Beaumarchais)
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4 janvier 2010

ABDOULAYE BALDE : LA DESYMBOLISATION EN MARCHE ?

Abdoulaye Baldé (Secrétaire Général de la Présidence) et Cheikh Tidiane Gadio (Ministre des Affaires étrangères) semblaient constituer la paire inamovible du Président Abdoulaye Wade. Ces deux enfants venus des extrémités Sud et Nord avaient, jusqu’à une date récente, réussi à démentir toutes les lois des séries déclinées par moult valses d’entrées-sorties du gouvernement depuis 2000.

Les récentes remises en cause de leur sédentarité à leur poste viennent rappeler aux plus naïfs que, tel un indice boursier, les gouvernements aussi connaissent leur cours (stabilité/instabilité). Ceux qui y sont côtés (les ministres) subissent les règles de la cotation, vacillant entre hausse et baisse de valeur.

Le 1er Octobre 2009, « l’indice Gadio » s’est effondré à la faveur d’un millième pari risqué de Wade dans sa quête permanente d’une harmonie entre sa conception du pouvoir et les hommes qui ont la charge de sa mise en œuvre.

Deux semaines plus tard, c’est au tour de « l’indice Baldé » de subir la loi du marché politique. La nomination de Baldé comme Ministre des forces armées n’est pas sans susciter des interrogations de la part de tous ceux qui, depuis 2001, parient sur le « gamin » du Sud dont la fulgurance de la carrière politique commence à faire tressaillir plus d’un au sein du PDS. Le remaniement ministériel du 14/10/09 qui l’a « déporté ? » du Secrétariat Général de la Présidence est symptomatique d’une certaine arithmétique politique de Wade dans un contexte de réflexion stressée du  Parti Démocratique Sénégalais (PDS) sur sa stratégie de conservation du pouvoir au-delà de 2012.

Nous voudrions nous autoriser ici quelques scenarii de lecture de cette nomination.

Eloigner Baldé de la Zone de Complicité Présidentielle ?

Le raccourci facile serait de voir à travers cette nomination, une manifestation d’un surcroit de confiance du Président Wade à l’endroit de Baldé. Ne conviendrait-il pas plutôt de se demander s’il ne s’agit pas là de signes annonciateurs d’une dépressurisation de la « symbolique Baldé » dans l’attelage présidentiel.

L’opportunité de cette interrogation s’inscrit dans le background du projet de redéfinition de la géopolitique interne du PDS actuellement en cours. Au vu des tendances qui se dessinent, la refondation du PDS devrait, en toute logique, consacrer la remise sur orbite, dans le cercle immédiat de Wade, de la première génération de Libéraux et du « confinement participatif » des Néolibéraux (GC ?) à la périphérie du futur « Grand Parti Présidentiel » en gestation. Par conséquent, il n’est pas exclu que l’éloignement de la Zone de Complicité Présidentielle (ZCP) de tous les éléments considérés comme gênants (encore la GC ?) soit l’une des conditionnalités posées par Idrissa Seck et Cie pour leur participation à cette nouvelle géopolitique libérale.

Tuer le symbolisme politico-technocratique du personnage de Baldé ?

Certains ont vite fait de parler de promotion de Baldé qui « pour la première fois dirige un ministère plein. » Certes ! Après tout, Baldé a été, aux dernières élections locales de Mars 2009, l’un des seuls sauveurs du camp présidentiel. Sa brillante élection à la Mairie de Ziguinchor a accru son statut de figure désormais incontournable au sein du PDS. Elle lui a conféré un symbolisme politique fortement craint et densifié sa sphère d’influence au sein de l’appareil du Parti. Cependant, elle a aussi condensé contre son personnage du ressentiment de certains de ses camarades Libéraux, humiliés du secours de ce « dernier venu » et de sa rapide aura politique.

Ce symbolisme politique de Baldé se renforçait du mythe de sa longévité dans le très stratégique poste de Secrétaire Général de la Présidence. Sa nomination comme Ministre des Forces armées dilue ce symbolisme en raison de l’inéquivalence de la représentation des deux fonctions dans l’imaginaire collectif.

Dans le langage quotidien, l’appellation de « ministre » est banalisée. L’appellation de « Secrétaire Général de la Présidence de la République » (SGPR) tient sa dimension symbolique du caractère technocratique de la fonction, du mythe du Palais et de la dimension « sacralisée » voire « divinisée » du Président qui l’habite. Celle de ministre est dans le registre commun. Elle est dépourvue de toute symbolique originale dans l’imaginaire populaire. Car, il y a autant de ministres qu’il y a de choix politiques d’un Président. Au Sénégal, il y a une quarantaine de ministres. La variété des profils de ces derniers laisse finalement penser que la fonction est, avant tout, une simple reconnaissance de l’engagement politique et qu’elle peut être occupée par n’importe quel citoyen, pourvu qu’il soit bon militant et n’enfreigne pas l’obligation d’allégeance permanente au Chef. Or, la fonction de SGPR est, logiquement, attachée à la possession de compétences technocratiques particulières, à l’unicité du Président de la République de qui elle procède directement. Comme ce dernier, il n’y a, en théorie, dans chaque pays, qu’un seul SGPR – ou poste assimilé. Dans les sociétés africaines, le « Un » est vénéré, logé à une enseigne du « hors du commun ». 

Ainsi, la dimension particulière du personnage de Baldé dans l’imaginaire des populations casamançaises découle justement de l’originalité de sa  fonction au sein de l’Etat. Il y a eu de tous temps, dans tous les gouvernements du Sénégal (de Senghor à Wade) des ministres fils de la Casamance. Mais pour une première fois, un fils du terroir était placé sans interface au cœur du siège principal du pouvoir, à la tête d’un poste qui n’a aucun équivalent dans le langage administratif et gouvernemental. Diriger le palais où habite celui qui dirige les Sénégalais était un honneur sans précédent dans l’histoire de la promotion des cadres Casamançais. En l’occurrence, la fonction rappelait des figures glorieuses de l’Etat que furent, entre autres, Jean Colin et Abdou Diouf, le premier étant à l’époque un quasi Vice-président, le second, ne tardant pas à devenir le premier des Sénégalais en tant que Président de la République, plus tard.

Cette « dé-symbolisation » de Baldé se matérialise par l’instauration, désormais, de doublon hiérarchique dans ses relations de Ministre avec le Président Wade.

En tant que SGPR, il disposait de prérogatives d’accès direct au Président qui ne pouvaient souffrir de filtre hiérarchique ou protocolaire. Devenu ministre, il est désormais sous l’autorité du Premier ministre de qui, d’un point de vue institutionnel (et en théorie), procèdent son autorité et sa légitimité. Par conséquent, les relations professionnelles entre le Président et le Ministre devront logiquement transiter par un aiguilleur en la personne du Premier ministre, Souleymane Ndéné Ndiaye.

Le piège du conflit casamançais ?

Dans le contexte du lent et long processus de sortie de crise en Casamance, la nomination d’un fils casamançais comme Ministre des forces armées pourrait constituer un piège. Il est apparu qu’une certaine opinion a toujours considéré ce conflit comme un problème local alimenté par les frustrations nées, entre autres, de l’inéquitable répartition des privilèges de l’Etat entre le Nord et le Sud du pays. Les gouvernements successifs, en réponse, ont estimé qu’en faisant la promotion ministérielle des quelques fils du terroir, la résolution de cette crise n’en serait que plus facilitée. La stratégie de Wade depuis 2000 a consisté à privilégier une action directe sur le psychique du Casamançais par une politique sentimentaliste. En confiant successivement à trois (3) fils de la Casamance (Youba Sambou, Békaye Diop, Abdoulaye Baldé) le ministère des forces armées, le Président escompte obtenir la « compréhension » de leurs « frères » armés du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC). Ces nominations sont destinées à tempérer le radicalisme des rebelles à partir de l’illusion de satisfaction qu’ils auraient de contrôler, par « l’un des leurs » aux gouvernements, un département important de la souveraineté du pays (l’Armée Nationale).

Ces nominations, en outre, au-delà d’une stratégie de facilitation du dialogue direct avec les rebelles, visent à responsabiliser les Casamançais (MFDC et Ministre) en les plaçant devant un dilemme : Pour le MFDC, faut-il humilier un « frère » Ministre en se radicalisant contre l’Armée nationale qu’il dirige ? Pour le Ministre, quelle attitude entre la mission républicaine et les lois de la nature humaine (compréhension, pitié, sympathie, fraternité etc…) vis-à-vis de frères « armés » attachés à une idéologie hostile à l’autorité de l’Etat sur une partie du territoire ?

Alassane Mamadou Ndiaye

Abidjan, Côte d'Ivoire

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