(Par Alassane Mamadou Ndiaye)
Serrez vos ceintures ! Vous « Autres Etrangers » qui vivez en France ! L’horloge du puritanisme est en marche! Le « diable de la République » a agi : Thierry Mariani, député de l’Union pour une Majorité Présidentielle (UMP), celui par qui le « scandale » est arrivé, auteur de l’amendement, à l’Assemblée Nationale, qui propose que les étrangers vivant en France et qui sollicitent des visas de regroupement familial pour leurs enfants restés au pays se soumettent à un test ADN en vue de vérifier la véracité du lien de filiation biologique entre parents et enfant. Depuis la révélation à l’opinion publique de l’introduction de cette disposition au projet de loi initial du ministre de l’Immigration et de l’Identité Nationale qui durcit les conditions d’entrée des étrangers en France, le Sieur Mariani est devenu le capteur parlementaire des coups de désamour dirigés contre Brice Hortefeux, patron dudit ministère, lequel se voit en petit « dieu » investi d’une mission de « purification » de la France contre la peste « Immigrés ».
Avant son installation à l’Elysée, Sarkozy avait été totalement honnête sur les couleurs de son quinquennat. Dès lors, l’immigré en général, et l’immigré africain en particulier, pouvait deviner que, dans les positions tranchées du candidat de l’UMP sur l’immigration, sur certains de ses aspects, et sur l’ensemble des questions relatives aux rapports futurs de la France avec l’Afrique, tout pourrait désormais être dit, autorisé et fait sur lui, en France, en Europe et même en Afrique ! L’esprit du député Mariani n’est que la première des multiples doublures de cette optique. Jusqu’ici quasi-anonyme, voici le député du Vaucluse qui, par la force des circonstances, gagne en célébrité et devient, bon gré, malgré, le « diable de la République » pour les uns, la vedette de la majorité présidentielle et premier héros, pour les autres, de la politique « sarkozienne » de maîtrise de l’immigration.
Nonobstant des controverses, entre les tenants d’une ligne, humaniste et universaliste, s’inscrivant dans la tradition d’accueil d’une « France, terre d’asile » et les tenants d’une posture orthodoxe repérable dans le chauvinisme conservateur d’une frange de la Droite UMP, l’esprit de l’amendement finira par être intégré au dispositif législatif d’ensemble proposé par Monsieur Hortefeux. Après une valse entre l’Assemblée Nationale et le Sénat, une formulation consensuelle est finalement trouvée entre les deux chambres du parlement par une Commission paritaire composée de sept (7) députés et de sept (7) sénateurs qui adoptera le texte de loi, le mardi 16 octobre 2007. Des retouches ont apportées ça et là pour faire bonne figure et contenter une autre France qui a « honte » qu’une loi de sa République autorise la pratique des tests ADN sur des individus, non criminels, ne cherchant qu’à rejoindre leur famille en territoire français. Certes, la version finale du texte adopté est plus « soft » que celle que proposait l’amendement Mariani, en raison, notamment, du conditionnement, par la deuxième chambre (Sénat), desdits tests au « volontariat du requérant, à la seule vérification de la filiation maternelle (l’époux étant exonéré pour éviter des drames conjugaux), à l’approbation par décision d’un juge et à la prise en charge des frais par l’Etat français ». Mais les parlementaires et défenseurs UMP de ces tests ADN ont manqué de pédagogie en tentant de les présenter comme devant « faciliter l’accélération des procédures de regroupement familial », comme « cela se fait déjà dans douze autres pays européens dont la Belgique, la Grande-Bretagne etc… ». Très bien ! Seulement déjà en 1685, Louis 14 avançait un souci « d’adoucissement des conditions de vie des esclaves dans les Antilles françaises » pour justifier son fameux « Code Noir ». La suite, on la connaît !
Qu’on ne s’y perde pas en conjectures et autre jeu de question-réponse ! Cette loi a un destinataire, une cible : l’immigré négro-africain de l’Afrique au Sud du Sahara ! Ce n’est rien d’autre qu’un embargo total contre ce qui est perçu comme une « importation » abusive et déguisée en France d’une pratique tropicalo-exotique du lien parental illimité telle qu’elle est en vigueur dans les pays d’Afrique Noire. Voilà pourquoi, mis à part le fait qu’elle soulage le chauvinisme mégalomaniaque de ceux qui doutent encore de la « civilisabilité » de l’homme Africain, elle reconfigure même le continent africain en le bipolarisant entre « l’Axe du bien » (pays du Maghreb :Algérie, Maroc, Tunisie) au fichier d’état civil qualifié de fiable et « l’Axe du mal » (l’Afrique Noire), l’éternelle victime de la suspicion occidentale, au fichier d’état civil pas du tout fiable. Doit-on s’en offusquer ? Sincèrement, non ! Pas besoin ! En réponse, il faut simplement « boul falé » (positiver), comme disent les Sénégalais ! L’Internationale Anti-Noire ne date pas de cet amendement. De tout temps, des institutions religieuses, philosophiques, juridiques, scientifiques, littéraires, anthropologiques, économiques etc… ont toujours étés mobilisées au service de cette « cause ». La première interdiction totale de séjour, par exemple, des Noirs sur le territoire « français » date de 1777. Elle sera même rééditée en 1818, vingt neuf ans après l’euphorie de la Révolution et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1789 dont l’article 1er ne concernait pas encore les Noirs. De cette date, à cette loi sur les tests ADN, en passant par la mise en place par décret présidentiel de mars 2005 d’une « Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité » (HALDE), il s’est succédé une pléthore d’exercices réglementaires et législatifs pour combattre les discriminations et l’immigration dans la forme, mais dans le fond pour contenir la « négro-immigration », plus visible à l’œil nu.
La présomption de fiabilité partialement accordée au fichier d’état civil des pays du Maghreb n’étonne pas, parce qu’en dehors de la « rivalité » sur fond théologique entre le Christianisme et l’Islam, il y a, entre le Maghrébin et l’Européen, un cousinage par l’épiderme, à quelques différences prés. Or, en dehors du rythme élevé de la procréation, les familles négro-africaines et maghrébines ne se rejoignent sur aucune autre unité de point quant à la conception du lien parental. A ce titre, il est intéressant de noter que dans des familles algériennes, marocaines ou tunisiennes en France, il est presque impossible de trouver un enfant qui n’appartienne pas biologiquement et génétiquement au couple et qui soit venu en France dans le cadre d’un regroupement familial. Dans ces familles, même si le lien parental s’étend aussi au-delà du simple rapport biologique au géniteur ou à la génitrice, il n’est pas fréquent que des enfants issus de père et de mère différents, fussent-ils neveux ou frères de ces derniers, se regroupent en France pour former un foyer familial administrativement unitaire, comme c’est le cas dans la plupart des familles originaires d’Afrique subsaharienne.
Tout compte fait, à Gauche comme à Droite, à l’Extrême-Gauche comme à l’Extrême-Droite, au Centre, au Centre-Gauche comme au Centre-Droit, il y a l’aveu, en sourdine, que cette loi, remet en scelle les errements d’une République tiraillée entre son angélisme humanisto-universaliste et les équations de politique intérieure régentée par l’enjeu de la captation et de la capitalisation d’un corps électoral qui ne lit les défis et autres problématiques planétaires qu’à travers le prisme de ses préoccupations domestiques et immédiates ; bref, une République prise au piège de son narcissisme et écartelée entre son amour propre et l’amour de l’Autre, entre son désir d’humanité et son instinct de la nation, entre l’homme de la France et l’Homme du monde.
A chaque élection présidentielle, les électeurs écoutent, lisent et comprennent les programmes et discours des candidats les plus implicitement chauvins, leur donnent leurs voix. Puis, quand vient le moment de leur mise en application, le dilemme s’installe, on découvre que le monde entier regarde la France et que, pour l’image du pays au dehors, il ne faut pas torpiller les valeurs et acquis séculaires du dedans. Alors, chacun dit « je ne suis pas d’accord », tout le monde descend dans la rue, les slogans « Liberté ! Liberté chérie ! », « Egalité, fraternité » grassement inscrits et brandis sur les pancartes pour « protester » contre des mesures qui « biaisent » l’image de la République. Qui, en France, avant l’élection de Nicolas Sarkozy ignorait la raideur des positions du candidat de l’UMP sur les questions de l’immigration ? Qui, avant, pendant et après les élections n’a pas été informé de la création de ce « machin » maladroit qu’on nomme « Ministère de l’Immigration et de l’Identité Nationale » en charge aujourd’hui de « nettoyer » l’Hexagone ? Qui ignore, par la suite, le passé d’Extrême-Droite de Brice Hortefeux, patron de ce ministère, à qui Sarkozy a confié le « karchër » pour concevoir et exécuter les « solutions finales » contre les étrangers en « situation irrégulière » ? Quelles que soient les déclinaisons données au texte définitif, il y a manifestement, d’un côté comme de l’autre des pôles politiques en présence au parlement français, une détermination à en vaincre l’immigration, un sujet qui, à chaque élection présidentielle, fait ou défait des présidentiables à cause de l’étroite connexion déduite par les politiques de tous bords entre ce sujet avec ceux de l’insécurité, du chômage, de la protection sociale, du logement, de la santé etc… Ceci est vrai tant pour la Gauche socialiste qui proteste si mollement et si prudemment du bout des lèvres, que pour la majorité UMP, tellement craintive face à la « superpuissance » de « l’omniprésident » Sarkozy que chacun de ses parlementaires tressaille à l’idée de devoir « ramer » à contre-courant de l’Elysée.
La réaction de Charles Pasqua, à l’annonce de l’existence de l’amendement de Mariani, est pleine d’enseignement à ce titre : « La première fois », dit-il, « que j’ai vu un régime qui « génétise », qui « biologise » les questions d’identité humaine, j’avais 15 ans, j’avais les armes à la main et je combattais ce régime ! » Ce propos de l’ancien tout-puissant ministre de l’intérieur du gouvernement d’Alain Juppé en 1995, celui par qui le « malaise » de la France face au cas des « sans-papiers » a été porté au jugement de la rue, ancien ténor du Rassemblement Pour la République (RPR), le parti gaulliste, ancêtre de l’UMP, est assez révélatrice de cette ambivalence du discours « humaniste » et « universaliste » du pays de Voltaire, le rédacteur du « Traité sur la tolérance ». Cette alerte du vieux Pasqua, concepteur de la politique des Charters des années 1990, prédécesseur de Monsieur Sarkozy à la tête du Conseil Général des Hauts-De-Seine (92), est une mise en garde assumée contre un détournement de l’usage de la science au service d’une idéologie politique, méthode qui renvoie, hélas, au passé récent de la codification et de la classification des hommes en fonction de leur origine génétique. L’histoire ne manque pas de repères où de telles applications scientifiques ont servi à légitimer les camps de concentrations, les rafles et déportations du Vélodrome d’Hiver des 16-17 juillet 1942 au cours desquelles, 12 884 Juifs étrangers furent arrêtés à Paris, sur ordre des autorités allemandes, avec la collaboration de la police parisienne.
Patrick Devedjean, Député et Secrétaire Général de l’UMP, se dit « blessé » dans sa dignité de parlementaire par Fadéla Amarra, Secrétaire d’Etat à la Politique de la Ville, d’origine maghrébine, qui trouve « dégueulasse » qu’on « instrumentalise l’immigration ». Mais l’homme n’éprouve aucun regret face à cette insulte que lui et ses collègues de la majorité présidentielle, ont proférée, via de cette loi, à l’endroit de millions de citoyens d’Afrique ainsi qu’à leurs dirigeants légitimes. En procédant par tri discriminatoire entre Etats dont le fichier d’état civil est jugé fiable (Maghreb) et ceux dont il est jugé non-fiable (Afrique Subsaharienne), le parlement français opère ouvertement une hiérarchie du respect à l’endroit des Etats africains. Ceux dont on ne doit jeter aucune suspicion sur les ressortissants (Algérie, Maroc, Tunisie) et ceux dont les structures seraient désorganisées, parce que dirigées par des esprits sans méthode, « dépourvus de toute aptitude à l’organisation politique et du don de gouvernement » pour reprendre le propos outre-atlantique de Lansing, Secrétaire d’Etat du Président Wilson, parlant des expériences du Libéria et d’Haïti.
A la suite de ces deux commentaires, celui du Premier Ministre, François Fillon, n’a pas vu mieux en cet amendement de Mariani qu’un petit « détail » qui ne mérite pas qu’on en débatte. Or, un coup d’œil au rétroviseur permet de comprendre qu’il ne s’agit que d’un continuum, chez une certaine classe politico-intellectuelle, de la délectation ambiante de clichés barbarisant « l’Autre », « l’Etranger », l’Africain plus exactement, et qui n’ont de cesse de traverser la France à travers ses textes, officiels ou non : il y a, entre autres, cette « Afrique, […] Ubuland sans frontières, …mouroir de tous les espoirs, océan de malheurs", cette « âme africaine qui pousse plus à l’indolence qu’à la rentabilité » dans, « Négrologie, pourquoi l’Afrique meurt » de Stephen Smith, paru chez Calmann-Lévy en 2004 ; il y a eu cette « bite des Noirs responsable de la famine en Afrique » et l’appel hitlerien à la « stérilisation de la moitié de la planète » dans « Le Privilège des Jonquilles » de Pascal Sevran, paru en janvier 2006. Même le grand humaniste et moraliste, Victor Hugo, en son temps, a cédé face à ce fantasme de se délecter de « l’inhumanité » de l’Autre, se rendant, du coup, complice du complot « civilisateur » : « notre nouvelle conquête - dit-il le 09 Janvier 1841 au Général Bugeaud qui venait d’être nommé Gouverneur Général d’Algérie- est chose heureuse et grande. C’est la civilisation qui marche contre la barbarie. C’est un peuple éclairé qui va trouver un peuple dans la nuit. Nous sommes les Grecs du monde ; c’est à nous d’illuminer le monde. »
Il apparaît clairement que toute la constance de la nouvelle politique d’immigration repose sur ce constat amer : agiter le caractère effrayant de « l’Autre » afin de le confiner dans ce qu’il a et est d’autre !
Il n’y a pas si longtemps, les Préfets jugés complaisants à l’égard des « sans-papiers » vivant dans leur département ont été sermonnés par Brice Hortefeux en guise de rappel du nouvel ordre politique à respecter : faire vite le résultat en matière d’expulsion de « clandestins », soit un cap de 25.000 expulsions en 2007. Un objectif quantitatif de rafles donc qui, comme six décennies auparavant à l’endroit des juifs, a le mérite de ne pas ennuyer la police française. A cette « Politique du chiffre », s’ajoute celle dite des « Quotas Géographiques », « qui n’est, en réalité, qu’une sélection des individus en fonction de leur origine ethnique » même si elle « viole un principe constitutionnel français », selon le philosophe Bernard Henry Lévy. Dans tous les cas de figure, tout se ramène à une question du rapport de soi à l’autre, à l’inconnu perçu comme envahisseur ; à une question de la perception qu’on a de ce que l’Autre a d’autre, de ce qu’il est en tant qu’autre. Dans l’imaginaire de soi, il convient que cet Autre cesse d’être ce qu’il est pour que l’on puisse véritablement constater qu’il est ! Ramené dans ce cas d’espèce, dans l’esprit de la loi amendée par Monsieur Mariani, il faut tout simplement que l’Africain du Sud du Sahara renonce à sa conception sur l’étendue du lien parental (père – mère – oncle – tante – beau-fils – neveu – cousin – fils de l’ami, du voisin, de…, de.. etc.…) ; qu’il renonce à sa vision des relations inter-humaines, à l’excès de sa solidarité dans l’amour du prochain ; qu’il acclimate et arrime tout ce « patchwork » de valeurs multiformes, multidimensionnelles et multicolores, à la conception unidirectionnelle et triangulaire qu’a l’Occident de ce lien parental (père – mère - fils) pour que celui-ci puisse véritablement être établi, validé et admis. D’où, à défaut d’une démarche « progressiste » des Africains eux-mêmes pour rentrer dans ce triangle, se justifie un recours à la science génétique pour trier les entrées dans la citadelle France.
De meetings en meetings comme ceux de Toulon du 07 janvier 2007, de Caen et Nice du 30 Mars 2007, le candidat Sarkozy n’avait jamais lâché sa logique d’égrainage de symboles iconoclastes qui dédouanent unilatéralement et partialement la France de sa part de responsabilité dans l’histoire occidentale de « diabolisation » et de « dé-civilisation » de l’Autre, de l’Africain. Le thème de la « Fierté française » lui inspirait cet ordre péremptoire adressé aux Français de « ne jamais sombrer dans la démagogie de la repentance ». Car selon lui, « sa grandeur, la France la doit aux femmes et aux hommes » qui furent à la fois « témoins et acteurs » de cette « œuvre civilisatrice sans précédent dans notre histoire » « que fut l’œuvre coloniale ». Avant d’ajouter que « si la France a une dette morale » par rapport à son passé colonial, c’est d’abord et « seulement à l’égard des Français d’Algérie et des Harkis qu’elle a lâchement abandonnés », lors de la guerre d’Algérie (1954-1962). Pas, donc, une once de regret pour des millions de vies fauchées en Afrique et au Vietnam, pendant la colonisation ou pendant d’autres guerres d’occupation au nom de cette même « grandeur civilisatrice » de la France ! Ni même un modeste mot de recueillement pour ces Tirailleurs Sénégalais qui combattirent le nazisme pendant la seconde guerre mondiale pour la liberté d’une nation qui n’était pourtant pas la leur ; pas même une sympathie mémorielle pour ces milliers d’hommes qui « sur le champ de la défaite, ont replanté leur fidélité » à la métropole lorsque « Dieu, de sa main de plomb, avait frappé la France » (Léopold S. Senghor) !
Le même souci d’auto-déculpabilisation se poursuit depuis le 16 Mai 2007, date à laquelle le Président a « habité sa fonction ». D’abord, la réception, à l’Elysée, le mercredi 20 juin 2007, de Jean Marie Le Pen, réception placée sous le signe de « la rupture » et de « l’ouverture du dialogue avec tous les Français » : c’est son rôle ! Le leader du Front National (FN) s’était vu exclu d’un tel honneur sous la Ve République, hormis les deux seules réceptions offertes pendant l'intérim d'Alain Poher, du 28 Avril au 19 Juin 1969, puis du 2 Avril au 19 Mai 1974. Puis vint le fameux discours du 26 juillet 2007 à Dakar à l’occasion duquel Sarkozy déclina allégrement son cantique : sur « l’homme africain [qui] n’est pas assez entré dans l’histoire », sur « le paysan africain qui, depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature [et qui] ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles », sur cet « imaginaire africain où tout recommence toujours », où « il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrés. » C’est ce qu’en français raccourci ou moins élaboré, on dira « pérorer à longueur de journée, sans utilité aucune à la marche du monde » ! C’est cela aussi la rupture avec Sarkozy : prendre le contre-pied de la marche de l’histoire dont on pensait, naïvement peut-être, que jamais elle ne serait plus remise en cause par un quelconque retour de la phraséologie hégélienne sur « le nègre sans culture », « l’irrationalisme » africain, l’infirmité dialectique de l’Africain et « la table rase » de son histoire. On peut se demander comment une telle offense à peuple étranger, qui se généralise autour de l’identité géographique (« jeunesse africaine, l’âme africaine, le paysan africain, la réalité africaine, le problème africain etc… »), a pu consciencieusement naître de la plume funeste d’Henry Guaino, l’idéologue et sculpteur de la pensée de Sarkozy, être approuvé par un Président d’une République de Voltaire, de René Cassin, décoller de la Bastille, puis atterrir dans un aéroport du pays du poète universaliste, Léopold Sédar Senghor, pionnier de la fraternité francophone, pour être lue à haute voie officielle dans un auditorium d’une université qui porte le légendaire nom de Cheikh Anta Diop, à deux pas de la maison des esclaves à Gorée, sous l’oreille docile d’un Abdoulaye Wade, auteur du plaidoyer panafricain autour d’« Un Destin pour l’Afrique » ! Curieuse époque !
NDIAYE ALASSANE MAMADOU
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